Intégrer des émotions artificielles dans un système multi-agents pour limiter les risques de dysfonctionnement, c’est l’objectif des travaux d’Eskandar Kouicem, qui après un cursus universitaire en Algérie et un PFE à Poitiers, vient de commencer une thèse au LCIS* dans le cadre des travaux de recherche de la chaire Trust**.
Or, ces systèmes sont le plus souvent « ouverts », c’est-à-dire que des éléments peuvent être enlevés ou ajoutés en cours de fonctionnement. Dans ce contexte, prévoir des algorithmes permettant de faire face à des situations anormales est forcément plus complexe : il existe tellement de configurations de défaillance possibles, qu’il est impossible de les anticiper toutes.
S’inspirer des émotions humaines
Afin de trouver des signaux d’alerte qui soit indépendants du problème, le jeune chercheur mise sur les mécanismes génériques des émotions humaines. « Les émotions ont été identifiées comme un mécanisme essentiel à notre capacité d’adaptation aussi bien individuelle que collective, explique-t-il. Ainsi, elles signalent à un individu le caractère anormal d’une situation et lui permettent de déclencher une adaptation de son comportement. Si l’on ne cherche évidemment pas à reproduire les émotions humaines, on tente de mimer les mécanismes cognitifs et physiologiques que les psychologues ont identifiés. » Transposée à l’informatique, cette stratégie permet de ne pas avoir à anticiper ou simuler l’ensemble des pannes possibles pour être capable de détecter une situation anormale et de mettre une mesure de protection en place.
Cela devrait se traduire, à terme, par l’ajout d’algorithmes capables de reproduire les différentes étapes d’un épisode émotionnel au niveau de chacun des « nœuds » du système. Ces derniers sont constitués d’au moins un agent doté d’une capacité de calcul et éventuellement d’autres moins autonomes qui lui sont rattachés. Cette approche permet de fournir plus de résilience aux systèmes : si une panne ou une anomalie est détectée localement, cela ne compromet pas le fonctionnement global. Par rapport à la redondance, qui implique de multiplier des éléments matériels ou logiciels pour éviter les pannes, cette solution est beaucoup moins coûteuse.
Plusieurs industriels partenaires de la chaire Trust**, qui co-finance cette thèse avec la région Auvergne Rhône-Alpes, se sont montrés intéressés par cette approche. Celle-ci pourrait en effet être utile pour favoriser la résilience d’une flotte de robots, réaliser le contrôle d’un réseau de distribution d’eau, ou encore assurer la coordination d’un ensemble de capteurs mobiles.
** Chaire de la Fondation partenariale Grenoble INP