Face aux mutations environnementales, sociales et organisationnelles qui traversent notre époque, la chaire For Libra vise à contribuer activement à la transformation des modèles économiques et organisationnels. Portée par la Fondation Grenoble INP grâce au mécénat du Fonds de dotation Fortil, cette nouvelle chaire est adossée à Grenoble IAE – INP, UGA et au laboratoire CERAG (Centre d’Études et de Recherches Appliquées à la Gestion).
Les professeurs Christian Defélix et Valéry Merminod, co-titulaires de la chaire For Libra, partagent leur vision dans cet entretien croisé.
Comment est née l’idée de la chaire For Libra ?
Christian Defelix : Le Groupe Fortil avait depuis plusieurs années des interactions avec Grenoble INP – UGA, et au début des années 2020 se posait la question d’intégrer une des chaires d’excellence. Lors d’une réunion avec la Fondation Grenoble INP en 2023, Fortil a exprimé son souhait de s’engager dans une chaire dédiée à la transformation managériale, en cohérence avec ses enjeux RH et sa visée régénérative. Cela a donné lieu à des échanges avec les enseignants-chercheurs en sciences de gestion de Grenoble IAE – INP, UGA engagés sur ces thématiques. C’est ce qui nous a conduits à formaliser ensemble le projet de cette nouvelle chaire en 2024 !
La soutenabilité forte est l’un des axes majeurs de la chaire. Qu’entend-on par ce concept et pourquoi est-il central ?
Valéry Merminod : Nous abordons la soutenabilité forte à travers le concept d’économie régénérative défini par l’AFNOR Spec (2024) comme modèle d’activités se caractérisant par une prospérité écologique, sociale et économique, intégrant le renouvellement continu — en qualité et en quantité — des matériaux, de l’énergie, des ressources naturelles et des capacités vivantes, humaines comme non-humaines. Ce concept étant émergent dans les organisations, nous cherchons à expérimenter et opérationnaliser des modèles économiques à visée régénérative à travers le développement de méthodes, d’outils, de postures et de cas d’usage.
La chaire repose également sur le capital humain et l’innovation organisationnelle. Quels sont les grands enjeux que vous abordez à travers ces axes ?
Christian Defelix : L’exemple de Fortil est déjà parlant : on peut faire sa place dans un marché de l’ingénierie très concurrentiel en adoptant un modèle managérial axé sur la diversité, l’apport à ses territoires et les perspectives d’association au capital. Mais ce modèle peut-il résister à l’hyper-croissance ? Et que doit-il intégrer pour réellement contribuer à la visée régénérative inscrite dans sa stratégie ? Le « cas Fortil » constitue à ce titre un formidable laboratoire.
En quoi consiste le principe de recherche action et comment s’applique-t-il à la chaire For Libra ?
Valéry Merminod : Notre approche repose sur une logique d’innovation exploratoire avec les équipes Fortil. Les modèles de soutenabilité forte étant émergents dans les organisations, nous souhaitons co-construire des méthodes et outils pour faire émerger de nouveaux modèles économiques régénératifs. Les compétences de recherche mobilisées allient expérience de terrain en entreprise et maîtrise de méthodologies de recherche. L’objectif est d’assurer une valorisation académique à travers des publications, ainsi que la diffusion de métriques et outils opérationnels solides.
À l’issue de la chaire, quels impacts espérez-vous générer dans les organisations ou les milieux professionnels ?
Christian Defelix : En matière de management et de gestion des ressources humaines, notre ambition est d’éclairer la voie des organisations qui n’hésitent pas à être atypiques, et qui veulent susciter l’engagement par un nouveau contrat social interne.
Valéry Merminod : Nous visons à faire émerger et diffuser des modèles économiques conciliant enjeux économiques, sociaux et environnementaux pour le maintien d’un système stable à moyen et long terme malgré les fluctuations. Nous inscrivons nos travaux dans la dynamique de robustesse impulsée par Olivier Hamant, chercheur à l’INRAE et Directeur de l’Institut Michel Serres.