Chaque année, la Journée internationale des femmes et des filles de science est l’occasion de promouvoir la participation des femmes dans les domaines scientifiques. À cette occasion, la Fondation Grenoble INP a rencontré Marie-Cécile ALVAREZ-HERAULT, maître de conférences à Grenoble INP – Ense3 et titulaire de la Chaire SmartGrids.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Marie-Cécile Alvarez-Hérault, 39 ans, enseignante-chercheure dans le domaine des réseaux électriques depuis 12 ans et maman de deux filles de 7 et 10 ans. Mon métier, c’est d’imaginer le réseau électrique de demain permettant de fournir une électricité décarbonée et pour tous.
Quel a été ton parcours académique et professionnel ?
Je n’ai jamais su ce que je voulais faire de ma vie, car tout m’intéressait et à mon époque quand on avait de bons résultats, on allait soit en médecine, soit en classe préparatoire aux grandes écoles. Ainsi, après un parcours en classes préparatoires, j’ai passé les concours et j’ai choisi d’intégrer l’École Nationale Supérieure D’ingénieurs Électriciens de Grenoble (ENSIEG qui fait maintenant partie de l’École Nationale Supérieure de l’Énergie, de l’Eau et de l’environnement, Ense3) en 2004 par attrait pour l’électricité et en raison de la renommée des écoles d’ingénieures grenobloises. Ne me sentant pas prête à partir dans l’industrie, j’ai décidé d’approfondir mes connaissances en réseau électrique en effectuant un stage de master 2 recherche puis une thèse au laboratoire de génie électrique de Grenoble (G2Elab). J’ai alors pu découvrir ce qu’était la recherche : relever des défis scientifiques avec une totale liberté intellectuelle et sans aucune certitude d’y arriver ! C’est ce qui rend ce domaine si passionnant ! De plus, l’enseignement en milieu universitaire est une occasion de transmettre cette passion et ses connaissances aux futurs ingénieur(e)s et chercheur(e)s. Après un court passage en tant qu’ingénieure R&D à Schneider Electric, j’ai intégré le G2Elab en tant qu’enseignante chercheure. J’ai également eu la chance de travailler un an au LBNL (Lawrence Berkeley National Lab) en Californie.
Quels sont les plus grands accomplissements de ta carrière ?
Je suis très fière d’être titulaire de la chaire SmartGrids de la Fondation Grenoble INP depuis 2021. J’ai ainsi l’opportunité de collaborer avec le principal gestionnaire de réseau français, Enedis, pour développer le réseau de distribution du futur. Imaginer des solutions innovantes et en voir certaines s’industrialiser est le Graal pour un(e) chercheur(e). Une deuxième grande fierté est d’avoir réussi à synthétiser 10 ans de recherche dans un ouvrage, en collaboration avec des industriel(le)s, mais également d’autres académiques. Fruit d’un long travail bibliographique, de réflexion et de recherche, il a été pensé pour être accessible tant aux étudiant(e)s qu’aux ingénieur(e)s et chercheur(e)s. J’espère qu’il permettra d’inspirer les différentes parties prenantes à faire évoluer les réseaux électriques de distribution dans le contexte actuel de la transition énergétique.
Quels sont les principaux défis que tu as rencontrés dans ta carrière ?
Dans ma carrière, j’ai rencontré deux principaux défis. Le premier est la confiance en soi. Il n’est pas facile d’évoluer dans un environnement composé de personnes toutes plus brillantes les unes que les autres. Avoir confiance en soi et se convaincre que ce que l’on développe est un travail de qualité n’est pas simple. Ensuite, connaître ses limites et trouver un équilibre entre recherche, enseignement, responsabilités diverses, encadrement de doctorant(e)s, actions de dissémination et sa vie personnelle n’est pas une chose aisée.
Quel est ton point de vue sur l’égalité des genres dans la science ?
L’égalité des genres dépend à mon sens de plusieurs facteurs. Tout d’abord, il dépend des domaines scientifiques : 19% des enseignants chercheurs en sciences de l’ingénieur sont des femmes contre 48% en biologie en 2019. Ceci est en partie dû à l’éducation que nous recevons depuis notre plus tendre enfance. Les parents et enseignants, parfois inconsciemment, catégorisent les métiers comme étant féminins ou masculins et influencent ainsi les orientations des femmes. En 2019, seulement 1,9 femmes se portent candidates pour un poste de maître de conférences en sciences pour l’ingénieur contre 5,1 hommes. On ne peut pas espérer arriver à la parité dans les postes de maitre de conférences. Enfin, beaucoup de femmes assument encore la majorité de la gestion du foyer, ce qui freine la progression de carrière. Si en sciences et techniques, 34% des maîtres de conférences sont des femmes, elles ne sont plus que 19% de professeures.
Les chiffres donnés ici sont issus du rapport de 2021 du MESRI intitulé « Enseignement, Recherche et Innovation, Vers une égalité femmes-hommes? Chiffres clés »
Quel message voudrais-tu faire passer aux femmes qui envisagent une carrière scientifique ?
Ne vous mettez aucun frein, écoutez vos envies et imposez-vous. Osez !